Que signifie le fait d’essayer de donner du goût à la vie, avec le réel qui est notre vie à chacun, c’est-à-dire avec les aléas, avec des évènements qu’on n’a pas choisis, avec des histoires qui font qu’on assume ? Le versant de l’étique dans la réflexion théologique, pose la question de savoir comment donner du goût ; le versant moral, lui, va tenter de définir ce qu’on va poser comme normatif. Quand la question « Que faut-il interdire ? » est posée, elle doit l’être en étant articulée aux dimensions de la morale. Par rapport à notre propos sur la sexualité, c’est à la fois essayer de dire, à travers la réflexion biblique et la tradition de l’Eglise, la tradition de l’Eglise prenant en compte la réflexion biblique dans sa façon de nous façonner, dans la façon que nous devons avoir de nous laisser immerger par la Parole de Dieu, en quoi est-ce que cela vient donner du goût de vivre.

L’Eglise parle de la sexualité pour deux raisons fondatrices. La première, c’est le rapport à la Bible elle-même, c'est-à-dire que l’Ecriture est une expérience d’hommes et de femmes, qui racontent dans leurs expériences humaines des histoires de compagnonnages et de la présence de Dieu. Ça veut dire que parler de Dieu, ça ne se dit que dans l’histoire des hommes, dans l’histoire des communautés, avec leurs aléas, leurs perversions, leur bonheurs, leurs recherches ; mais aussi avec leurs promesses, leurs trouvailles, leurs justesses. Dire que l’Eglise a raison de se mêler des affaires de sexualité comme des autres affaires, c’est d’abord, au nom même de ce qui est le lieu même de notre tradition, c’est dire que c’est bien dans de l’épaisseur humaine que se dit qui est Dieu. La deuxième raison, c’est que notre foi a pour centre et pour cœur le Dieu Jésus, donc, un Dieu fait homme. Et dire que Dieu s’est fait homme, c’est rendre compte que tout ce qui concerne l’homme concerne la foi. Ce qui fait la particularité du christianisme, c’est que la foi est complètement à l’intérieur de l’humain, et ceci au nom de la profession de foi en un Dieu qui prit chair, qui prit notre condition humaine.

Si la religion ne parlait que de culte, elle deviendrait une religion « à côté » de l’existence. La spécificité du christianisme, c’est de rendre compte que la question de Dieu vient se signifier, vient trouver sa justesse du dedans de l’épaisseur de l’existence de l’homme. L’Incarnation, c’est l’ultime acte par lequel Dieu s’est révélé de manière définitive. Tout ce qui touche à l’homme touche à la foi, car l’annonce du Salut est dans le tout de l’existence. Dire cela, c’est dire combien le Christ prend soin des médiations humaines, c'est-à-dire qu’il n’y a pas d’immédiateté : prendre le chemin de l’Incarnation, prendre le chemin de la rencontre des hommes, c’est signifier que le travail de la foi se fait par des médiations : la médiation du temps, la médiation des relations (Jésus parle de Son Père à travers des relations). Prendre la condition d’homme, c’est d’emblée poser la place des médiations dans l’humain ; nous vivons tous à travers des relations. C’est signifier que c’est là que va se faire le labeur de l’Evangile.

 

La sexualité, dans le Bible, est perçue comme une belle chose, et est perçue comme une grande condition de Dieu ; elle n’est nullement dévaluée par la tradition biblique, et elle n’est pas d’abord soupçonné. La sexualité fait partie de ce qu’il y a de plus beau (voir Gn 1 et Gn 2-3). Dans ces deux textes, si la sexualité est une belle réalité de l’humain, c’est parce qu’elle a à voir avec l’acte créateur même.

Si l’homme est endormi pendant la création de la femme, c’est pour nous dire que l’homme n’a pas la maîtrise de l’origine de la femme : personne ne connaît l’origine de l’homme et de la femme, sinon Dieu seul. La sexualité ne peut pas être pensée sous la modalité de l’objet. La sexualité est une réalité qui dit quelque chose de ce que Dieu veut de l’humain. En même temps, la tradition biblique va signifier combien la sexualité est toujours une réalité ambiguë ; en d’autres termes, de ce qui est le plus beau, l’homme peut toujours faire le pire.

La réalité de la parole est toujours liée à la sexualité dans la Bible.

Le premier point d’attention que nous pouvons souligner à partir de ces textes est ce rapport entre la beauté et l’ambiguïté, qui va venir mettre au cœur de ces mots la responsabilité, pour que la sexualité soit du côté de la beauté et ne bascule pas du côté de la menace, de la violence, du côté de ce qui fait violence à l’autre, du côté de l’utilisation du corps de l’autre comme lieu de violence.

Deuxièmement, ce que raconte Gn 1 et Gn 2-3, c’est un travail de distinction : pour qu’il y ait de l’humain, il faut distinguer les choses. Nous ne pouvons pas vivre dans la confusion, c'est-à-dire que si nous prétendons, par la sexualité, nous confondre, cela va à l’échec. Confondre les sexes et confondre les générations présente un danger. Pour ne pas craindre la violence, il faut de l’ordre ; car la violence n’est jamais loin. C’est séparer pour que la communion soit possible, ici, la communion entre l’homme et la femme, la communion des relations sexuelles et pas seulement de la vie sexuée, la communion des corps. Pour qu’il ait communion des vies, dans l’affectivité, communion dans les relations, cela suppose une juste distance. Pour qu’il y ait communion, il faut que demeure de l’écart, de la distinction et de la séparation (au sens de la séparation des sexes et des générations).

 

Dans la Genèse, ce qui va créer le problème, c’est la défiance. Là où la peur n’existait pas, la défiance va l’amener. Le premier mouvement est de craindre l’autre. Plus on entre dans la sphère de l’intime, de l’interrelationnel, des amitiés, de la vie conjugale, plus c’est grave, parce qu’on touche au plus profond de soi-même. Si le soupçon entre dans le cœur de nous-mêmes, c’est grave. Ce qui est en jeu, c’est ce rapport entre communion et séparation, et la question du rapport entre la confiance et la méfiance.

La troisième mise en lien que nous pouvons faire, c’est le rapport entre le plaisir, le désir et la parole. On ne trouve pas, dans la Bible, de textes qui viendraient dire que le plaisir, le plaisir de la vie et le plaisir dans la sexualité, serait un mal. Mais ce n’est pas « le plaisir à tout prix, comme je veux, avec qui je veux, quand je veux, de la façon dont je le veux. » Ce qui est dénoncé dans la tradition biblique, c’est le plaisir qui ne s’inscrirait plus dans la relation humaine qui respecte les séparations : séparation des sexes, séparation du désir de l’autre. Ce qui est dénoncé, c’est quelque chose comme un plaisir sans parole, un désir sans relation vraie à autrui, un plaisir qui ne considère pas l’autre comme un mystère de relations, et qui en ferait un objet de consommation. Ce qui se joue, c’est de lier le plaisir au désir : c’est mettre de la temporalité, de la relation, de l’apprivoisement à l’autre, de la prise en considération du réel. Quand on désire, on assume que, pour un temps, il y ait du manque, c'est-à-dire qu’on ne puisse pas totalement coïncider avec ce qu’on cherche, avec ce qu’on désire.

La sexualité n’est pas que de la génitalité, elle implique tout le rapport au monde. La sexualité est une constitutive du rapport au monde. Une des manières d’exprimer cette sexualité, c’est la génitalité, mais il ne fait pas réduire la sexualité à cette dimension.

 

Ce qui est en jeu, ce n’est pas de différer le plaisir, mais de mettre en lien le plaisir et le désir. Il n’y a pas de désir dans la vie s’il n’y a pas de plaisir. Mais ce plaisir ne doit pas être cherché pour lui-même ; ce qui est en jeu, c’est que le plaisir puisse se poursuivre dans la vie, qu’il puisse continuer à donner goût à la vie. Et pour cela, il faut qu’il soit articulé sur du désir, c'est-à-dire sur des enjeux d’alliance, de relations, d’engagements humains qui vont assumer le plaisir qu’on goûte et aussi le manque qu’on assume. Il faut relier ce qu’on goûte avec l’attente. Ce qui permet ce lien, c’est la parole ; ce qui fait que le plaisir est un plaisir humain, c’est qu’il est lié à de la parole. Ce qui fait l’humain, c’est qu’on essaie d’y mettre de la parole, et tout ce qui est sans parole est le lieu de la violence de la sexualité.

Ce qui se joue dans l’humain, c’est de faire de l’alliance ; et faire de l’alliance est autre chose que de faire des contrats. On ne peut pas penser la condition sexuée et la vie conjugale sous la seule modalité du contrat. Ce qu’on doit d’abord penser, c’est l’alliance. S’allier, c’est allier deux mystères, et non pas allier deux subjectivités contractuelles. L’alliance, c’est signifier que l’on va se fier mutuellement. L’alliance est sous la modalité du double don. Si la sexualité est considérée comme le lieu d’une immense beauté dans la tradition biblique, c’est parce que la relation initiale de Dieu est une relation d’alliance. Dans la relation d’alliance, on est foncièrement sous la modalité du croire, croire au mystère de l’autre.

L’intérêt de l’homme est d’essayer de bien vivre, dans la mesure où il accueille toujours de l’altérité ; c'est-à-dire qu’il ne faut jamais être sous la prétention de la « main-mise » sur l’autre. La difficulté, c’est que le plaisir, par définition, veut prendre. Ce qui fait que le plaisir soit humain, soit de l’ordre du bien vivre, c’est le fait de savoir s’abandonner. Il faut parvenir à ce juste rapport entre ce envers quoi il nous faut rester maître, et ce envers quoi il nous faut nous abandonner, sinon nous allons commettre de la violence sur l’autre.

Dans la tradition biblique, la sexualité n’a pas de rapport avec le péché originel ; c'est-à-dire que l’homme et la femme étaient créés et sexués avant que l’histoire du serpent n’intervienne. On n’est donc pas dans un lien entre cette transgression de manger du fruit et la question du rapport homme/femme. Ce qui va venir fausser la relation, c’est la question de la confiance ou de la défiance ; quelque chose autour du péché originel est dans la question de se défier de l’autre, et c’est cela qui entraine les problèmes. La condition sexuée de l’homme est une bonne condition puisqu’elle est la condition même de l’acte créateur.

 

 

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